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ID: 512
Ressource_Provider: Jérôme Bourgon
Title: The Torture of the Thumbs in Canton Judicial Courts
Date: 22 mars 1884
DocumentNature: Engraving
Repository: Turandot
Color: Black and white
Caption: La Chine contemporaine- Le Supplice des pouces à Canton
Topic: Judicial Torture 拷問
Description: - Dessin d'après nature par M. Félix Régamey.
(Written comment by E. Guimet) La torture des pouces dans les tribunaux de Canton-—si nous avons pu, dans un précédent article, dire en quelques mots quelles sont en Chine les punitions légales, il nous faudrait un gros volume pour raconter les punitions illégales dues à l’imagination des tortionnaires du Céleste Empire. Nous allons pourtant expliquer le dessin que publie l’Illustration et qui représente la « torture des pouces ». Ce moyen judiciaire est employé à Canton surtout en matière de pirateries et de jeux clandestins, car le Chinois est très joueur.
Pendant que nous étions à Canton la police apprit que dans un quartier assez désert on avait organisé des jeux. Les propriétaires qui commençaient à faire fortune purent s’esquiver à temps ; peut-être avaient-ils payé pour être prévenus au moment opportun. Mais on arrêta des domestiques et comme c’étaient des gens de peu d’importance on arrêta aussi des voisins les plus riches qu’on pût trouver, pour obtenir d’eux des renseignements que les malheureux étaient dans l’impossibilité de donner. Ce sont ces voisins qui sont représentés dans notre dessin subissant un interrogatoire des plus cruels.
Pour donner la torture des pouces, on couche le patient préalablement dépouillé de ses ha bits, sur un banc de bois long d'un mètre et demi à peu près. On ramène ses bras en arrière le long des pieds du banc auxquels on fixe solidement les pouces des deux mains. Puis, après avoir replié les jambes sur elles mêmes, on fixe aux mêmes pieds du banc les orteils. Après, on relève le banc de façon à ce que le corps soit vertical et que tout son poids agisse sur les ligatures des pouces.
La position est douloureuse et surtout énervante ; le paient crie et s’agite et généralement au bout d’une demi-heure, quelquefois moins, il s’évanouit. La position des membres doit contribuer à arrêter la circulation du sang. Lorsque le témoin est ainsi sans connaissance (car il ne s’agit que d’un témoin qu’on interroge) on lui fait reprendre ses esprits en frappant avec un bambou sa poitrine et ses jambes ; il ne tarde pas à revenir à lui et à ressentir à nouveau la douleur énervante. Lorsqu’il s’est évanoui plusieurs fois sans donner de réponses satisfaisantes on le ramène à la prison en le portant dans ces affreux paniers qui servent dans les rues de Canton à transporter les ordures. Il est rare qu’après cette opération le patient puisse se tenir sur ses jambes et c’est dans le même panier à ordures qu’on le ramène le lendemain à l’interrogatoire pour le suspendre à nouveau par les pouces.
Si l’homme est de grande taille, les genoux touchent le sol, et le poids du corps ne porte pas entièrement sur les pouces. On en profite pour introduire un perfectionnement au supplice ; on met sous les genoux un tas de grosses chaînes en fer, on passe un fort bâton au pli de la jambe, entre la cuisse et le mollet, puis deux hommes montent sur le bâton et compriment ainsi de tout leur poids les genoux sur les chaînes, dont les parties saillantes pénètrent dans les aponévroses et dans les chairs.
La torture est donnée par les hommes de police vêtus du costume officiel, la longue robe bleue et le bonnet rond à bords relevés. Ils sont assistés souvent des licteurs du vice-roi, vêtus de la casaque rouge et du chapeau pointu orné d’une plume tombante et droite ; ces licteurs figurent dans les cortèges, un fouet à la main, et sont chargés de faire écarter la foule sur le passage du mandarin ; ils sont brutaux et cruels et ne demandant pas mieux que de donner un coup de main aux tortionnaires attitrés.
Nous ne savons pas ce qui est advenu des malheureux qu’on interrogeait à Canton au sujet de la maison de jeu, mais nous sommes persuadés qu’ils n’ont pu se tirer d’affaire qu’en donnant beaucoup d’argent. Bien heureux si ce sacrifice pécuniaire n’a pas été fait trop tard pour leur éviter les infirmités qui résultent, pour la vie, de ces exercices judiciaires.
Emile Guimet
Bibliography
1:Name:
Hebdomadaire L'illustration
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1 Title: Gloomy images from the Weekly journal L'Illustration DocumentNature: Photolithograph
Derniére modification le : 2012-10-09 |