Description du Projet

Le « Supplice chinois » est un cliché. C’est la représentation visuelle du préjugé selon lequel les Chinois, seraient particulièrement cruels. Appuyée sur des témoignages et des documents photographiques, cette représentation a proliféré dans la littérature, l’art, le théâtre, le cinéma, etc. Le mythe a depuis bien longtemps survécu aux faits qui l’avaient inspiré, et il continue à déformer notre perception de la réalité chinoise

C’est pour saisir sous tous ses aspects cette représentation polymorphe que nous avons constitué une équipe internationale et interdisciplinaire, comprenant des spécialistes de l’histoire chinoise, de la littérature comparée, des iconographies occidentale et chinoise, etc. Cette base de données multilingue est l’instrument qui nous permet de croiser nos approches, de jeter des ponts entre les disciplines. C’est un moyen de diffuser nos travaux, tout en mettant nos sources à disposition de nos collègues. Les sources sont accompagnées d’un appareil critique permettant leur utilisation scientifique ; des hyperliens permettent de croiser les sources, d’en retrouver les références, de les associer au gré des hypothèses interprétatives.

Un cliché exotique

Peu de civilisations ont été au cours de l’histoire aussi vilipendées pour leur cruauté supposée que la Chine dans l’occident des dix-neuvième et vingtième siècles. Quelle était, dans les faits alors rapportés, la part de vérité, la part de pure fantaisie, la part de la déformation de faits réels ? Curieusement, ni la genèse soudaine ni la rapide diffusion du«supplice chinois » n’ont suscité de recherche tant soit peu sérieuse. Il en va de même des pratiques punitives de l’empire chinois: les formes les modes d’exécution capitale, les peines corporelles ou la torture judicaire ont été peu étudiées dans leur réalité pratique. Ces deux sujets sont liés : comment évaluer un mythe sans connaître la réalité qui le nourrit.

Ce site est un instrument scientifique, conçu pour aider la recherche de plusieurs manières. Il vise à réunir au même endroit des documents qui sont actuellement conservés dans des fonds dispersés dans le monde entier ; il vise également à donner de nouvelles pistes de recherche sur ce sujet. Ce site sera donc une source d’information générale sur la justice et les peines chinoises, ainsi que sur la manière dont elles ont été perçues et interprétées en Occident.

Terminologie

Pourquoi ce double titre, l’un en français (supplice chinois), l’autre en anglais (Chinese torture)? Ces deux termes ne sont pas d’exacts synonymes. Le terme anglais évoque une souffrance infligée soit par les autorités légales au cours de l’instruction ou du procès (torture judiciaire), ou tout aussi bien lors de l’exécution (supplices), ou, enfin, les atrocités illégales commises par des individus privés (cruautés, sévices corporels). Toute forme de torture est à présent interdite comme contraire aux droits de l’homme garantis par la loi, de sorte que les formes autrefois « légales » ou « illégales » font désormais l’objet d’une même condamnation morale catégorique. En anglais comme en français, le terme « torture » désigne des pratiques dans leur dimension historique, juridique et morale, d’une manière assez terre-à-terre. « Supplice »a un sens bien différent, et n’a pas d’équivalent en anglais. Il peut certes désigner les mêmes pratiques et les mêmes faits que le terme « torture », mais il leur ajoute une dimension religieuse et culturelle, voire esthétique. Le Supplice par excellence et la crucifixion du Christ (Saint Supplice), et les innombrables martyres chrétiens sont comme autant de variations sur ce thème directeur. Aussi, le terme évoque non seulement une exécution, ou une peine cruelle, mais un récit de salut dont le ressort est le rôle rédempteur de la douleur, une esthétique du corps souffrant, etc. Très influente dans les pays d’obédience catholique (Italie, Espagne, France…), le concept de « supplice » devint la matrice des images de peines et de tortures chinoises, qui donna naissance à tout un univers esthétique et romanesque. Dans notre double titre, donc, « Chinese torture » évoque la torture dans ses aspects pratiques d’après les descriptions réalistes qui en ont été faites, tandis que « supplice chinois » indique plutôt l’arrière plan religieux, culturel et esthétique qui donne forme aux représentations.

Sources et approches

Les sources sur ce sujet sont extrêmement abondantes et diverses, tant en Chine qu’ailleurs. L’iconographie est particulièrement riche ; elle comprend aussi bien des aquarelles chinoises sur « papier de riz » destinées à l’exportation, des photographies d’exécutions réalisées par des soldats français, la statuaire ou les images des peines subies dans l’enfer bouddhique, les nombreux dessins ou gravures rapportés par des voyageurs et missionnaires, etc. La documentation textuelle est immense, puisqu’elle va des sources primaires (archives judiciaires chinoises) aux récits plus ou moins déformés parus dans les journaux, des récits de voyageurs pour la plupart occidentaux aux fictions les plus débridées des romanciers tant occidentaux que chinois, sans oublier les œuvres d’art qui se sont inspirées de supplices chinois réels ou imaginaires.

Ce site vise à fournir, d’une part, un accès aisé et direct aux documents les plus divers, tant visuels que textuels ; d’autre part, un appareil critique permettant d’interpréter et d’exploiter ces sources. La base de données sera mise à disposition des spécialistes intéressés, puis d’un public de plus en plus large au fil de son élaboration.





Page modifiée le 20 juillet 2007

 
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